four years • La plupart des enfants entendent et ré-entendent les histoires de notre planète mère : Vesta. Mais moi j'en ai bien assez avec l'école. Ce qui m'intéresse ce sont les histoires de maman sur la Grèce d'autrefois, un pays dont je conserve les origines. Ma préférée, c'est celle sur les trois cents spartiates et aujourd'hui maman vient me la raconter dans mon lit, au clair de lune. Je reste toujours attentif aux histoires du soir, par politesse. Mais j'avoue que des fois je frappe mon frère Alex parce qu'il dérange maman... Je protège maman, comme tous les garçons. Ca va, il est partit je ne sais pas trop où avec papa, comme tous les samedis. Ils ne veulent jamais me dire où ils vont, ce qu'ils font, ce qu'ils se disent. Parfois je m'énerve à cause de ça, je ne le contrôle pas. Il n'y a que maman qui comprend et il n'y a que sa voix pour me calmer. « Chut, Andrea. Ce n'est pas grave, tu es le meilleur, je te le promets. » Je me love dans ma couette et je ferme les yeux. Il est très tard et je suis fatigué, mais je veux absolument mon histoire. Peut importe si je la connais par coeur ! « Il était une fois, trois cents spartiates assez courageux et fous, ordonnés par le grand roi Léonidas, qui s'en allèrent, en abandonnant leur vie, se battre contre les perses pour l'honneur du pays. Ils étaient trois-cents contre des milliers, une bataille dont le vainqueur était pourtant déjà connu. Mais le destin en voulu autrement... » Maman lit encore et encore et la douceur de sa voix me berce doucement. Je vague dans mes pensées, loin comme tout près. Maman me fait un bisou sur la joue, elle croit que je dors. Mais quand elle veut partir, la porte grince et avant qu'elle ne la referme complètement, je lance : « Moi aussi, je veux être un grand guerrier quand je serais grand. » Elle ne répond pas, jamais quand je parle de mes rêves. Elle me dit juste de dormir et qu'elle m'aime. Maman est la seule à me dire qu'elle m'aime...

five years • Aujourd'hui on est de nouveau samedi et comme toujours, papa et Alex partent. Mais au dîner papa n'a pas arrêté de parler d'une surprise. J'ai cru qu'ils allaient me prendre avec eux, alors je les ai suivis. Mais ils ont été trop vite et je me suis perdu. Il pleuvait et j'avais froid, alors j'ai couru en sens inverse jusqu'à la maison. J'étais très content quand j'ai enfin aperçu le village. Tellement content que j'ai accéléré. Mais on nous a toujours dit de ne pas courir sur les passerelles quand il pleut, mais moi je n'écoute jamais. Je suis tombé. Je me souviens juste d'avoir vu le sol se rapprocher et la douleur, le froid. Parfois j'en rêve encore, mais la situation devient mille fois pire. On me poursuit. Parfois je rêve aussi d'autre chose. Seulement, ce sont toujours des cauchemars, jamais de vrais rêves...

Je me souviens m'être réveillé à l'hôpital. Il n'y avait que maman à mon chevet et j'entendais mon frère jouer dehors. L'infirmière m'a dit de ne pas trop bouger, mais je voulais faire un câlin à maman. Alors j'ai essayé de me redresser mais j'ai vite abandonné. J'avais trop mal au dos et à la poitrine. C'est maman qui est venue me faire un câlin et je lui en suis reconnaissante. L,'infirmière est revenue et je pouvais me laver si je faisais attention. Quand j'ai retiré mon t-shirt j'avais deux cicatrises : une dans le dos et sur le thorax où j'avais eu mal quelques temps avant. Je me souviens avoir versé une larme et entendu l'infirmière dire que j'étais resté inconscient pendant seize heures. Je ne me souviens plus de rien après.


thirteen years • Il faisait étonnamment calme dans la famille depuis ma chute. On faisait un peu plus attention à moi, mais je restais tout de même le rejeton de la famille. J'avais treize le jour ou mon père me prit enfin avec lui. Je ne peux décrire la joie que j'avais ressentit ce jour-là. Mon frère venait aussi, bien sûr. Ces derniers temps il me protégeait un peu plus, on devenait de plus en plus proche tous les deux. J'aimais ça, je n'ai jamais voulu me distancer de lui. A mon plus grand étonnement, papa nous a dit de descendre des arbres. Je n'ai pas refusé, malgré mon accident. Je voulais faire bonne figure. Il m'a juste fallu un peu plus de temps. « Où est-ce qu'on va ? Je ne suis pas censé être en bas et Alex non plus ! » Tout ce que j'obtiens comme réponse ce fût un ricanement de mon père. Sympa... Et ce jour-là je dû faire un gros effort pour contenir ma fureur.

Je caresse le sleipnir du bout des doigts. Je n'en crois pas mes yeux. C'était donc là qu'ils venaient ? J'aurais dû m'en douter, mon frère revenait toujours plein de boue, les cheveux en bataille, épuisé. Quelquefois mon père le portait même. « Ils sont beaux, non ? » Je continue de caresser le sleipnir de couleur brun clair sur lequel j'ai flashé quand je suis entré. Mon frère soupire, j'ai dû le vexé de ne pas avoir répondu. « Je vais te montrer quelque chose, attend .» Il est revenu avec une branche d'arbre et sans dire un mot, il l'agitait devant le cheval pour jouer. Ses six pattes bougeaient tellement vite... Puis tout s'est passé très vite. J'ai entendu le hennissement du sleipnir et mon frère fut projeté à l'autre bout de l'enclos, contre le mur. Il avait planté la branche dans le dos du cheval. Je n'osais pas me retourner pour voir Alex, les cris affolés de mon père signifiant déjà tout. « Cour, imbécile ! Va chercher de l'aide ! » Et sans réfléchir je remonte à toute allure dans le village.


seventeen years • C'est la fin. Alex succombe à ses blessures, maman pleure et papa se prend la tête. Et moi ? Je suis tellement anéanti que je ne peux plus rien laisser passer, tout est contenu à l'intérieur. Mais tout ça, c'était déjà il y a quatre ans. Bien sûr, quand tout s'arrangeais, il fallait que ça dégénère. Ce matin, en me levant, j'ai versé une larme. Une seule. Mais vous savez, même dans les moments les plus sombres, on peut trouver du bonheur. Il suffit juste de se rappeler d'allumer la lumière. Au fil du temps, j'ai appris à tourner la page.

« Alors ? Prêt pour ta première chasse ? » Je monte sur mon sleipnir, nommé Titus comme mon deuxième prénom. Je souris. Je suis même plus que prêt. Je donne une petite tape à Titus et il s'élance dans la forêt. Je prends tout doucement mon équilibre et je brandis mon arc. Je m'attendais à voir un Apceros, mais ce fut un Kelbi qui pointa le bout de son nez. J'ordonne, d'un ton le plus bas possible, à Titus de s'arrêter et je descends silencieusement sur terre. Je m'avance un peu plus près de l'animal et j'arme mon arc. Alors que je veux faire un pas de plus, une brindille casse sous ma semelle et l'animal se retourne brusquement. Il tente de s'échapper, mais ni une ni deux, je tire sans réfléchir. Quand il s'écroule à terre, je ne me retiens plus. « Yes ! I'm a heroes ! » Je saute dans les bras de mon ami et c'est la folie. Je viens d'attraper mon premier sleipnir, la promesse d'une longue vie de bonheur.  



Les premières années de ma vie ont été un enfer. Rejeté par mon père et mon frère, je gardais toute ma haine pour moi, comme j'essaye de le faire encore aujourd'hui. Et quand tout commençait à s'arranger, mon frère meurt. Mais les années à venir promettent, je ne laisserai personne les gâcher...